Depuis quelques semaines, le ton s’est considérablement durci concernant les personnes éligibles à un renvoi forcé par la France. Pour quelles raisons la France les expulse-t-elle ? Comment cela se justifie-t-il administrativement, légalement, économiquement ? Et comment ça se passe exactement, une expulsion forcée ?
Les renvois forcés effectifs organisés par la France se multiplient depuis cet hiver, et en particulier ces dernières semaines. Ils concernent deux types de situations :
- des demandeurs d’asile ayant “laissé”, volontairement ou non, leurs empreintes dans un autre pays européen, et tombant de ce fait sous le coup du règlement Dublin III
Si ces personnes n’avaient pas entamé de démarches dans ce premier pays, elles sont censées y lancer leur procédure de demande d’asile ; cela est hautement problématique lorsqu’il s’agit de pays comme la Hongrie ou la Bulgarie, où les instances européennes elles-mêmes admettent que le droit d’asile n’est pas respecté ; cela reste problématique lorsqu’il s’agit de pays plus “respectables” en terme de droit, mais où il n’y a pas de travail (Italie, Grèce), ou tout simplement où les personnes exilées n’ont pas choisi de s’installer.
Si ces personnes ont été auparavant déboutées de leur demande d’asile dans ce premier pays, le danger est bien plus grand, puisque, pour la France, renvoyer dans ce pays revient à déléguer ou à faciliter un second renvoi, vers le pays d’origine cette fois… pays d’origine où ces personnes risquent largement leur vie. Beaucoup de ces renvois sont effectués vers des pays du Nord de l’Europe, qui renvoient ensuite en Afghanistan.
C’était le cas de Farhad qui est maintenant libéré, ainsi que celui de Roman qui a été déporté.
- des demandeurs d’asile déboutés de leur demande d’asile en Europe, déportés vers leurs pays d’origine – celui même qu’ils ont fui, donc – sous réserve que ces derniers acceptent de reprendre leur ressortissant. Le Soudan accepte, l’Afghanistan aussi. Trop d’argent est en jeu.
C’était le cas de Mohamed Moussa, dont on est sans nouvelles depuis sa déportation. Cela donne aussi lieu à des situations absurdes et d’une violence folle, comme celle d’E., trimballé sans aucun ménagement entre la Sierra Leone, la Belgique et la Chine depuis plus d’un mois.
La France a semble-t-il procédé par étape : renouant d’abord avec les renvois forcés vers des pays en guerre sur le papier (accord UE-Afghanistan), puis avec des renvois vers des pays sous le joug de dictateurs poursuivis pour crimes contre l’humanité (accord UE-Soudan) (premiers renvois en octobre 2016), il semblerait que la “diplomatie“ française ait fini par opter pour l’accélération. Cessant de s’embarrasser de manières inutiles, l’Etat multiplie les déportations vers Khartoum. À noter qu’il s’agit systématiquement de vols de la compagnie Qatar Airways, nombre d’autres compagnies internationales ayant refusé d’accomplir la sale besogne.
Déporter quelqu’un c’est le renvoyer/le déplacer de force vers un certain lieu (l'exiler).
- vols concernés : vols commerciaux
- encadrement policier permanent, y compris dans l’avion
- parfois administration de drogues permettant d’assommer la personne pour éviter qu’elle ne se débatte ou proteste bruyamment
- souvent, entraves des bras et des jambes
- parfois, ajout d’un bâillon, ou d’un sac sur la tête
- lorsque la personne s’agite, elle a des chances de recevoir des coups de la part de la police
- arrivée au pays, la personne est remise aux autorités locales.
Que faire ? Est-il possible d’empêcher un renvoi forcé ?
- Il est possible, pour une personne dublinée par exemple, de ne pas se présenter à un rendez-vous ou à une convocation, mais cela est déconseillé : la personne risque d’être considérée comme en fuite (pour les dublinés, cela prolonge la procédure à 18 mois au lieu de 6 mois au départ), donc le piège est tenace.
- On peut aussi refuser d’embarquer, mais cela n’est pas toujours facile ; cela dépend notamment de si l’on a été drogué ou non. Mais il est déjà important d'exprimer fortement son refus d’embarquer et faire savoir au maximum de personnes autour qu’il s’agit d’un renvoi contraint, impliquant des dangers, et allant à l’encontre de la volonté de la personne – une vidéo explicative. Refuser d’embarquer peut aussi mener à des poursuites, ce qu’a pu expérimenter Ahmad Ali à Marseille.
- Mobiliser dans l’aéroport – le récit de la petite victoire de Farhad montre bien comment il est possible de faire, en sensibilisant le personnel naviguant et les passagers.
The authorities have toughened the procedures concerning the forcible return of refugees over the last few weeks. Why is this the case in France? How can this be justified from an administrative, legal or economic point of view? How are these expulsions carried out exactly ?
The number of forced returns organised by France have sharply increased since last winter. Two situations are concerned :
- asylum seekers whose fingerprints were taken in another European country and are subject to the Dublin III Regulation : This was the case of Madame Y.S and Farhad who have since been freed and Roman who was deported
If those persons didn't begin the procedure for asylum in this first country, they are supposed to do so. This is highly problematic when it is in countries like Hungary or Bulgary, where the European administration itself admits that they do not respect asylum right. It is even problematic in countries more “respectables” in terms of rights, but where there are no jobs (Italy, Greece), or merely where exiled persons didn't choose to stay.
If those persons had been rejected for asylum in this first country, the danger is bigger, as it means that, for France, sending back to this country means delegating or facilitating an expulsion to their country of origin (where they risk their life) from the European country they've been sent back to... Many of those expulsions are being done by northern countries of Europe (Norway mostly), who then deport to Afghanistan.
This was the case for Farhad who has finally been freed, as well as Roman who was deported.
- for asylum seekers whose claims have been rejected in Europe, deported to their country of origin – including those same countries they have fled – on condition that the latter accept their citizens. Sudan and Afghanistan accept their nationals. Too much money is at stake.
This was the case for Mohamed Moussa. This gives rise to absurd situations and leads to incoherent violence, as for E., dragged between Sierra Leone, Belgium and China for now more than a month.
France seems to have proceeded step by step : first renewing with forcible returns towards war stricken countries (EU-Afghanistan agreement), then French 'diplomacy' seems to have chosen to accelerate the process. Without further ado, the state has increased deportations to Khartoum (EU-Soudan agreement). Interestingly Qatar Airways seems to offer its services invariably whereas many other international airlines have refused to do the dirty work.
In practice, deporting someone involves a forcible return.
- commercial flights are concerned
- permanent police supervision, even on board the plane
- sleeping pills are often administered to knock out the person to avoid any noisy protest or struggling
- the person's arms and/or legs can be attached
- a gag can be used or a bag over the person's head
- if the person resists, they may receive blows from the police
- on arrival, the person is handed over to the local authorities.
How to react? Can a forcible return be prevented ?
- It is not advisable not to turn up for an appointment or a summons: the person is likely to be considered on the run. (for Dublin Regulation refugees the proceedings may be lengthened from 6 months at the beginning to 18 months).
- One can refuse to board the plane which is not always easy. It is essential to loudly express one's refusal to board and to make as many passengers as possible aware that it is a question of a forcible expulsion
– an explanatory video. However a refusal to embark can lead to legal proceedings, as Ahmad Ali experienced in Marseille.
- Being mobilized in the airport - the case of Farhad outlines how it can be done by making the cabin crew and the passengers aware.