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  • Photo du rédacteurParis d'Exil

EUROPE


Répartition

Le 26 septembre a pris fin la procédure de répartition dans l’UE. Cette politique des quotas, adoptée en septembre 2015, prévoyait la “relocalisation” des personnes bloquées en Italie et en Grèce. En deux ans, 46 000 personnes ont été concernées (en réalité seuls 29 000 depuis ces pays, les 17 000 autres places ont été utilisées dans le cadre de l’accord UE-Turquie, le “troc de Syriens”). Le plan prévoyait 160 000 places ; depuis 2015, 1,5 millions de personnes sont arrivées en Europe.

Encore 10 000 personnes sont éligibles à la relocalisation. D’après la Commission européenne, la non-utilisation du reste des places proviendrait du fait que « la majorité des arrivants ne répondaient pas aux critères, réservé aux demandeurs d’asile quasiment assurés d’obtenir une protection » (nationalités bénéficiant dans les pays de destination de plus de 65% d’accession au statut de réfugié, donc en particulier les Syriens ; les Irakiens sont hors critères depuis peu).

La lenteur de l’application du plan (via les hotspots) a incité la plupart des personnes éligibles à continuer leur route sans attendre une possible relocalisation.

Amnesty dénonce ce bilan. La France s’était engagée à accueillir 30 000 personnes, seulement 4 000 ont été relocalisées dans le pays.

Ce plan au bilan peu probant, pose à nouveau la question des tractations pour Dublin IV ; les États membres sont en pourparlers à ce sujet depuis plus d’un an. Après la création du mur d’Orban en Hongrie, Angela Merkel menace de lancer des discussions, au Conseil européen d’octobre, pour expulser la Hongrie de l’UE.

 

Sommet

Ce sommet se tiendra les 19 et 20 octobre. Oxfam a publié un rapport afin de peser sur les négociations, l’organisme explique qu’« il est clair que les institutions et États membres se sont concentrés de manière disproportionnée sur les entraves à l’immigration illégale et au renforcement des frontières, sans prêter beaucoup d’attention aux solutions à long terme. » Dénonçant la violence des autorités dans les pays membres, les risques d’agressions dans les hotspots et le danger de la volonté de bloquer les gens en Libye.

En juin la CJUE a rejeté le recours de la Slovaquie et de la Hongrie contre les quotas d’accueil décidés en 2015. La Commission Européenne lance une procédure contre la Hongrie, la Pologne et la République tchèque, pour leur refus d’application de ces quotas.

 

Hotspots

Les hotspots, centres d’enregistrement et de tri, sont devenus des centres de quasi-rétention surchargés, où les conditions de vie sont inhumaines et dégradantes. Prévus pour accueillir des personnes en transit dans le cadre du plan de relocalisation, ils se sont transformés en centre d’hébergement de longue durée.

MSF alerte sur le camp de Moria, où vivent environ 5 000 personnes (camp conçu pour en accueillir 1800), sur l’ile de Lesbos. Les gens restent pendant de nombreux mois bloqués sur l’île, en attente de réponse à leur demande d’asile. L’association parle d’une augmentation inquiétante des tentatives de suicide, des cas d’automutilation et de patients à traiter pour des maladies dues aux mauvaises conditions de vie, qui y sont déplorables. Depuis cet été avec le nombre d’arrivées qui est reparti à la hausse (3 600 arrivées en août) malgré l’accord avec la Turquie, le camp est surpeuplé. Une petite fille syrienne de cinq ans y est morte en septembre par manque de soins. Les médecins sur place sont débordés. Les bâtiments préfabriqués y sont entourés de barbelés et gardés par les militaires. L’eau courante y est souvent coupée pendant plusieurs jours. Les rations alimentaires manquent pour nourrir tout le monde.

Le gouvernement justifie le “parcage” des personnes exilées sur les îles par l’accord avec la Turquie, mais ce dernier n’oblige pas à garder les personnes sur leur lieu d’arrivée. Une représentante de Human Rights Watch en Grèce dit avoir reçu comme explication de certains responsables européens qu’ils « souhaitaient que les gens restent sur les îles, et justement dans ces conditions. Afin de les inciter à envoyer des messages négatifs aux futurs candidats au départ ».

Dans un rapport MSF constate que les agressions subies par les personnes exilées en Turquie sont en hausse.

 

Accords

Cet été le gouvernement italien a rencontré des représentants libyens et un accord aurait été passé. Depuis ces rencontres les arrivées sur la côte ont chuté. La Libye reste instable, livrée aux milices et divisée entre deux autorités qui se disputent le pouvoir.

Le Commissaire européen a demandé des éclaircissements à l’Italie sur ses opérations dans les eaux territoriales libyennes. La réponse du ministre de l’intérieur : « aucun navire italien n’a ramené de migrants sur les côtes libyennes. La collaboration avec la Libye passe par la formation et l’équipement des garde-côtes. L’objectif de l’action italienne est double : empêcher des traversées dangereuses, et garantir le respect des règlements internationaux en Libye. C’est dans ce sens qu’a eu lieu la rencontre du 15 septembre, avec le comité italo-libyen, le HCR et l’OIM. Le plan d’action propose, via le HCR, le renvoi vers des pays tiers sûrs pour les personnes pouvant bénéficier de la protection internationale, mais aussi de proposer le retour volontaire assisté, pour les autres. » Il assure ensuite que ces initiatives sont en plein accord avec la Commission de l’UE et les pays membres, et doivent s’étendre à un niveau international avec l’ONU.

À Sabratha, à l’ouest de Tripoli, point de départ important pour la traversée vers l’Italie, un rapport de Reuters fait état de la présence d’un groupe armé traquant les personnes exilées pour les empêcher de prendre la mer. Cela pourrait expliquer la baisse d’arrivées en Italie en juillet. Le groupe, “Brigade 48”, composé de civils, policiers, militaires et conduit par un ancien chef de milice, aurait créé un centre de rétention pour y enfermer les personnes voulant embarquer vers l’Europe.

Lire l’article de Slate Afrique sur l’interdiction faite aux navires étrangers d’approcher des côtes libyennes cet été.

Le 26 septembre l'Italie a signé un accord militaire (dont le contenu reste secret) avec le Niger. Le pays a annoncé une mission militaire franco-italo-allemande au Niger. La priorité reste le contrôle des frontières pour empêcher les personnes exilées d'arriver en Libye et de mettre en péril ce que la diplomatie italienne considère le “succès libyen”.

 

Passages

La route de la Libye vers l’Italie est devenue la principale voie d’accès à l’Europe après l’accord UE-Turquie. L’activité de Frontex (dont les moyens ont encore été augmentés par l’UE et qui comprend la formation des garde-côtes libyens, les retours vers les pays d’origine, etc.) et les tractations avec la Libye, ont réduit les traversées. De plus en plus de personnes passent maintenant par Melilla. La route de la mer Noire a également été “rouverte”, elle était utilisée à l’époque soviétique pour la contrebande. Les trafiquants réemploient maintenant cette route, les passages via la mer Égée et la Bulgarie étant devenus quasiment impossibles. Cette mer, notoirement dangereuse, est empruntée par des navires bien trop remplis, traversant de la Turquie à la Roumanie. De plus en plus de rapports parlent de naufrages.

Après avoir annoncé la création de hotspots en Libye, annonce décriée et vite retirée, le gouvernement propose d’installer ces centres au Niger et au Tchad, sous supervision du HCR. Cette décision, sous couvert d’éviter aux personnes exilées les dangers de la traversée du désert, de la Libye, et de la mer, permettra de trier en amont les “réfugiés” des “migrants”. Des agents de l’Ofpra seraient envoyés sur place pour les identifier (d’après des listes du HCR).

On sait qu’en France déjà, de très nombreuses personnes éligibles au droit d’asile se voient débouter malgré des preuves probantes (voir le dossier du centre Primo Levi).

Comme le souligne François Gemenne (enseignant-chercheur) dans l’Express : « si l'objectif est de trier les gens […] avant leur arrivée en France, c'est intolérable. Pouvoir déposer sa demande d'asile avant d'arriver sur le territoire ne doit pas déboucher sur une restriction du droit de venir en France […]. Ce serait contraire à la convention de Genève qui impose aux signataires d'assurer l'accueil des réfugiés. […] L’opposition systématique entre migrants économiques et réfugiés politiques […] fait passer les premiers pour des indésirables qui empêchent de garantir la protection des seconds. Nous devons effectivement être intraitables sur la question de l'asile, mais cela ne doit pas se faire au détriment des “migrants économiques”. Ils ont aussi le droit de venir en France, cette migration est aussi légitime que la migration politique, même si elle ne se fait pas dans les mêmes conditions. D'autant que sur le terrain, cette différence n'est pas si nette. Les crises sont liées entre elles. Elles sont politiques, humanitaires, environnementales et économiques. Il est impossible de les distinguer les unes des autres. Mais en Europe, ce sont des catégories construites pour répondre au droit international. »


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